L’enceinte protohistorique

Au sommet de la colline appelée « Le Turon » (296 m), dominant le village, une terrasse, délimitée par un talus de six à huit mètres et, à ses extrémités sud-est et nord, par deux escarpes et contre-escarpes, possède toutes les apparences d’une enceinte de type protohistorique. De sa fonction, nous ne savons rien. En septembre 1685, les habitants de Cardesse plantèrent trois croix « au som deu turon », transformant le site, particulièrement dominant, en calvaire.

Les origines du village

La bastide médiévale

Que son los poblants qui demandèn qu’estosse creada, puish qu’estó crompada mei tard, la bastida de Cardessa n’amuisha pas lo traçat rectilinèu abituau de las bastidas. Endarrèr de las maisons, que s’i pòt tostemps véder casaus en fòrma de correja. (source CDDP64)
Ce sont les poblans [habitants] qui demandèrent qu’elle [la bastide] soit créée, puis elle fut achetée plus tard, la bastide de Cardesse n’affiche pas le tracé rectiligne habituel des bastides. A l’arrière des maisons, on peut toujours voir des jardins en forme de courroie.

Nous sommes en 1324. Charles VI le Bel, dernier des Capétiens directs, règne sur la France. Gaston II, Comte de Foix et de Marsan est son vassal. Il détient le pouvoir, de l’Atlantique à la Méditerranée.

Monein est à cette époque un bourg important. Le droit d’aînesse en vigueur à l’époque fait que de nombreux cadets se retrouvent sans terre. Cette situation amène les autorités à créer une nouvelle communauté à Cardesse qui n’était jusque là qu’un lieu-dit. Cette communauté, fondée par une charte datée de novembre 1324, portera d’abord le nom de « bastide de Barelhes ». Elle s’étend dans la vallée supérieure du Luzoué, aux limites de Lucq-de-Béarn, de Monein et des herms du Laring et de Lédeuix.

Cette charte stipule que :

  • la communauté comprendra 40 « poblans« :
  • chaque poblan (preneur) recevra prés, bois, terres de cultures, terrains à bâtir avec l’obligation de construire.
  • chacun paiera, en prenant possession, une « entrade » d’un montant de 12 deniers Morlaas et ensuite, chaque année, un « cens » (devenu par la suite « fouage ») de 6 deniers Morlaas.
  • les nouveaux habitants de la communauté bénéficieront, comme ceux de Monein, de « fors, coutumes, franchise et liberté », c’est-à-dire le droit de s’administrer eux-mêmes.

Assez rapidement, le nom Barelhes disparut et le village prit, dès la deuxième moitié du XIVè siècle, celui de « Cardessa« , nom primitif du territoire (un herm) sur lequel il avait été bâti.

Le terroir occupe un versant de coteau sur la rive gauche du Luzoué et s’étend, rive droite, à la colline du « Turon » et, au Sud-Est, à la colline boisée et fourragère appelée « Larrayadiu » (l’ensoleillée), donnée par le seigneur de Lédeuix en 1355 et arrachée aux revendications de la communauté de Monein après un long procès aux XVIIIè et XIXè siècles.

Dans et à l’aval du vallon dit de « Broucas », deux grosses pierres (30 x 50 x 60 cm environ) pourraient être les bornes placées en 1324 lors de la délimitation par Gaston II de Foix-Béarn du bois et herm du Laring que les communautés d’habitants d’Oloron, Goès et Monein se disputaient.
En 1771, un nouveau procès donna lieu à un nouveau bornage, matérialisé par des pierres blanches (30 x 20 x 40 cm environ). On en trouve quatre aux abords de Cardesse, sur le coteau du « Trépé », en amont et en aval du vallon de « Broucas », au bas de la colline au sommet de laquelle se trouve la maison appelée « Malarode ».

Fondé sur le territoire de Monein, le village de Cardesse constituait une « marque », un quartier, de Monein : les Cardessiens dépendaient de la communauté d’habitants de Monein. Mais en même temps. depuis l’origine du village, ils formaient une communauté particulière avec ses propres jurats, syndics et gardes.

Vers 1333, Gaston II de Foix-Béarn échangea le village et le terroir de Cardesse à Fortaner de Lescun seigneur d’Esgoarrabaque contre la viguerie de Monein. Cardesse n’était pas seigneurie noble et jusqu’au milieu du XVIè siècle elle fut une « dépendance » du fief noble d’Esgoarrabaque.

En 1790, l’Assemblée Nationale reconnut Cardesse comme municipalité distincte de Monein. Après de vifs débats lors de la création des districts révolutionnaires, Cardesse fut rattaché à celui de Lucq, avant que la création des cantons ne lie finalement le village à celui d’Oloron-Est. Aujourd’hui, Cardesse fait partir du Canton « Coeur de Béarn ».
Jean Turon-Barrère m’a fait part de l’anecdote historique suivante :
En 1790, à l’occasion de la fête de la fédération, le 14 juillet (1 an après la prise de la Bastille), les municipalités étaient invitées à envoyer à l’Assemblée Nationale un PV sur cette fête civique. En fait je ne sais pas si les municipalités ont été invitées à se manifester ou si elles l’ont fait de leur propre initiative. Toujours est-il que la municipalité de Cardesse a écrit à l’Assemblée Nationale avec quelques autres rares communes dont Saint-Palais et Escot dans le département. Les Cardessiens se sont-ils si rapidement convertis à la révolution française ? Ou était-ce avec une arrière-pensée : encore quartier (marque) de Monein, Cardesse voulait-il faire sécession (le fait de faire allégeance au nouveau pouvoir pouvait sembler opportun) ?
A noter que la municipalité dans son adresse a indiqué Cardesse district d’Oloron (retranscrit Oléron à l’Assemblée). Voici l’extrait :

La Fête de la Fédération de 1790
Assemblée nationale, séance du mardi 3 août 1790, au soir.
M. Coster, secrétaire, fait lecture de l’extrait des adresses suivantes :

Adresses des municipalités de Saint-Sauveur, Baudoncourt, […] de Cardesse, district d’Oléron ; […] Toutes ces municipalités envoient à l’Assemblée le procès-verbal de la fête civique que tous les citoyens armés ou non armés se sont empressés de célébrer le 14 juillet, dans laquelle ils ont manifesté les sentiments du patriotisme le plus vrai, de l’union la plus étroite, et ont prononcé avec transport le serment fédératif du Champ-de-Mars.

Le village est traversé par la route départementale n° 9 reliant Orthez à Oloron en passant par Monein, tracée au XVlllè siècle par l’intendant d’Etigny.